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La Femme-fleur de Gigi Guadagnucci, site des Tanneurs, 1975


Contexte historique et choix de l'artiste

Dans les années 60, face au nombre croissant des étudiants, il devient nécessaire de construire de nouveaux locaux universitaires en France. La ville de Tours et son maire Jean Royer, élu en 1959, font le choix d’une répartition harmonieuse des sites d’enseignement supérieur sur son territoire afin de favoriser l’insertion des étudiants dans la vie de la cité, à l’opposé du "campus à la française" issu du modèle américain et construit sur une vaste emprise en périphérie. Plébiscité par la ville, le site du bord de Loire l’emporte dès 1961 sur les autres pour les facultés des lettres et des sciences de l'homme. La ville fait don en 1962 au ministère de l’éducation nationale d’une parcelle de 14 000 m2, délimitée par le quai du Pont Neuf, la rue des Tanneurs et la rue Bretonneau, et jouxtant les vieux quartiers en pleine rénovation.

Un premier projet d’architecture, résolument moderniste, est élaboré par Édouard Albert, architecte de la faculté des sciences de Jussieu à Paris, entre 1963 et 1968. Il est finalement abandonné début 1968 suite au décès accidentel de l’architecte et à l’opposition de Jean Royer, hostile au parti pris trop résolument contemporain du bâtiment. "La ville de Tours n'est pas un chantier naval" déclare-t-il dans un entretien. Après l’abandon de ce projet, une nouvelle équipe d’architectes est désignée officiellement le 15 mai 1968. Elle regroupe un parisien – Louis Sainsaulieu et trois Tourangeaux – Pierre Boille, Pierre Labadie et Michel Marconnet, également chargés des travaux de sauvegarde et réhabilitation du vieux-Tours, autour de la place Plumereau. L’équipe est donc missionnée pour concevoir un projet qui s’intégrera bien dans la ville et qui sera tourné vers elle. On ne veut plus de rupture, mais la conciliation de formes modernes avec des matériaux traditionnels : ardoise et pierre de taille. Le marché de construction est lancé en mars 1970. Les travaux s’échelonnent sur trois ans et la faculté ouvre une partie de ses locaux pour la rentrée 1972. C’est dans ce contexte que l’artiste Gigi Guadagnucci a été choisi par la commission artistique nationale sur proposition des architectes.


ADIL, fonds Boille,
fonds Arsicaud
© Archives départementales

L'œuvre de la Femme-Fleur

La commission artistique nationale qui a sélectionné son projet le 5 février 1975 pour la faculté des lettres de Tours a certainement été sensible à la dimension poétique et sensuelle de l’art de Guadagnucci, en harmonie avec un projet architectural qui devait être bien intégré à son environnement proche et à proximité également du site naturel de la Loire. Le projet est approuvé le 19 février et livré au cours de cette même année, pour un montant de 114 000 francs, soit environ 17 000 €.

Baptisée Femme-Fleur, cette sculpture en ronde bosse est réalisée en marbre de Carrare. Le marbre blanc est la matière préférée de Gigi Guadagnucci pour sa douceur et sa façon d’accrocher la lumière. Les stries qui la recouvrent évoquent les fibres de la matière végétale. La sculpture se caractérise par sa verticalité, avec quatre pétales qui entourent les pistils, comme une fleur à peine éclose.

Pier Carlo Santini, qui a publié un très bel article dans la revue L'Oeil sur Guadagnucci, décrit cette sculpture comme "un hommage à la chair féminine quand l’adolescence la conserve encore intacte dans son tissu propre et pur".

Au départ, la sculpture a été installée à l’extrémité gauche de l’esplanade, comme un lien entre la ville et la faculté, sur un promontoire de terre recouvert de végétation, selon les souhaits de l’artiste. La sculpture devait donc faire le lien entre l’espace urbain et la faculté. Toutefois, elle a été déplacée ensuite pour être placée sous le grand cèdre, et elle a perdu son promontoire végétal à cette occasion.

Ensuite, dans les années 2000, elle a été installée à l’emplacement où elle se trouve actuellement car elle devait être déplacée pour permettre l’aménagement de l’esplanade. On ne peut que déplorer que cet aménagement n’ait pas été l’occasion de lui redonner une position centrale, car c’est une œuvre qui devrait s’appréhender en pouvant tourner autour, en la regardant de tous côtés.



© Thierry Cardon