Edith Lettich, étudiante en médecine déportée en 1942
Edith, Esther Agatstein est née le 9 décembre 1914 à Vatra Dornei (Bucovine, Roumanie), fille de Hermann Agatstein, commerçant, et de Manzie, Amalia Langhaus son épouse.
De nationalité roumaine, elle arrive en France en octobre 1932 pour étudier la médecine, comme de nombreux jeunes Juifs de Roumanie et de Pologne, face à l'antisémitisme et aux numerus clausus qui règnent dans leurs pays. Elle commence ses études de médecine pour le diplôme d’université à Tours en 1932, obtient le PCN le 7 juillet 1933, s’inscrit en première année de médecine en novembre 1933 et procède à sa dernière inscription en cinquième année le 1 mars 1939.
Le 23 janvier elle épouse à Tours Abraham, André Lettich, de nationalité roumaine également. Il est arrivé en France le 3 novembre 1929 et lui aussi étudie à l’École de médecine et de pharmacie de Tours depuis 1930 en vue du Diplôme d’Université de docteur en médecine. En 1936-38, les époux Lettich interrompent leurs études et partent à Cernauti en Roumanie. Edith y donne naissance à Jean-Victor le 17 avril 1937. Elle revient en France début 1938 pour poursuivre ses études, suivie d’Abraham qui a effectué en Roumanie son service militaire en 1937-38.
Carte de résidents étrangers, 1938.
Crédits : AD37 – FRAD37 – 49W27
Récépissé de demande de carte d’identité portant la mention « juive », 1941.
Crédits : FRAD37 – 49W27
Pendant la seconde guerre mondiale
Revenu à Tours, André Lettich travaille comme bactériologiste au laboratoire d'analyses Métadier pour subvenir aux besoins de la famille. Les époux Lettich demandent leur naturalisation mais la demande n'aboutit pas. André Lettich s'engage dans l'armée française le 24 octobre 1939. Il est incorporé à la 9ème section d'infirmiers militaires (SIM) et affecté à l'hôpital Bertrand à Châteauroux. Nommé médecin-auxiliaire, il est démobilisé le 19 juillet 1940.
En octobre 1940, les Lettich se font inscrire comme Juifs étrangers d’Indre-et-Loire sur le recensement des Juifs imposé par Vichy au bénéfice de l’occupant. Le renouvellement de sa carte d’identité d’étranger est accordé à Edith, avec apposition du tampon “JUIVE”, pour une durée de trois ans finissant le 31 mars 1944. Le petit Jean-Victor est inscrit à l’école maternelle Rabelais à Tours pour les années scolaires 1940-41 et 41-42.
Arrestation et déportation
La famille est arrêtée lors de la rafle du 15 juillet 1942 à Tours. André Lettich raconte dans sa thèse de doctorat en médecine leur arrestation par la Gestapo accompagnée de deux gendarmes. Les personnes juives raflées sont emmenées en autocar à l’École normale de jeunes filles de Saint-Symphorien. Leur fils Jean-Victor, 5 ans, séparé de ses parents, est lui aussi interné à l'École normale puis le 17 juillet au camp de La Lande à Monts, comme tous les enfants raflés de moins de seize ans.
Le 17 juillet, les détenus sont transférés en train de Tours à Angers. Les destins d’Edith et André Lettich vont ici se séparer. André et ses compagnons d’infortune sont déportés par le convoi n°8 parti directement d'Angers le 20 juillet 1942 à destination d'Auschwitz.
Le 21 juillet à 19h30, Edith Lettich arrive au camp de La Lande, renvoyée d'Angers par les autorités allemandes « pour faire fonction de doctoresse du camp », autrement dit « pour s'occuper des femmes et des enfants ». Il semble qu'elle n'ait pas été déportée avec son mari pour cette seule raison utilitaire. Elle rejoint ainsi leur fils Jean-Victor, 5 ans, et les autres enfants mineurs. Elle sera leur secours, figurant avec eux en tant que doctoresse. Elle et son fils, avec 135 enfants, femmes et vieillards seront transférés dans le dernier convoi partant du camp de La Lande pour Drancy le 21 septembre.
Edith et Jean-Victor Lettich sont aussitôt déportés par le convoi 36 parti de Drancy le 23 septembre 1942 à destination d'Auschwitz, où ils sont assassinés. En 1945, de ce convoi de 1000 déportés juifs il restera 40 survivants dont quatre femmes. Aucun des enfants internés à La Lande n’a survécu à la déportation.
Portrait d’Edith Lettich à la fin des années 1930.
Crédits : Archives familiales
André Lettich survivra au typhus, au Sonderkommando, à la marche de la mort. Rapatrié et revenu à Tours, il rédige ses souvenirs du camp de la mort et en fait l'objet de sa thèse de doctorat en médecine, « Trente-quatre mois dans les camps de concentration ». Il la dédie « À la mémoire de ma femme le Docteur Edith Lettich et de notre cher enfant de cinq ans et demi, assassinés dans les chambres à gaz de Birkenau Auschwitz le 25 septembre 1942 ».
Edith Lettich est la seule femme dont le nom figure sur le monument aux morts à la faculté de médecine de Tours.
Thèse de doctorat en médecine d’André Lettich.
Crédits : archives familiales
Vue du camp de La Lande à Monts.
Crédits : archives familiales
Le petit Jean-Victor.
Crédit : archives familiales